VIETNAM (ARCHÉOLOGIE, ART ET LITTÉRATURE DU)

VIETNAM (ARCHÉOLOGIE, ART ET LITTÉRATURE DU)
VIETNAM (ARCHÉOLOGIE, ART ET LITTÉRATURE DU)

Le Vietnam, qui appartient géographiquement à l’Asie du Sud-Est, mais qui a fréquemment subi l’influence de son grand voisin chinois, possède une histoire culturelle complexe. Le nombre important de minorités ethniques encore présentes dans le pays révèle que de grandes diversités culturelles ont dû se manifester tout au long de son histoire. Depuis la fin de la guerre du Vietnam, les efforts de la recherche ont été essentiellement dirigés vers l’archéologie, et plus particulièrement vers la préhistoire où les Vietnamiens tentent de retrouver leurs véritables origines. L’étude des périodes historiques, de l’artisanat domestique et de l’art des minorités ethniques reste encore très timide mais le vif essor de l’activité touristique, qui incite les autorités à mettre en valeur le patrimoine culturel du pays, provoquera sans doute un rapide développement de ces disciplines.

Les fouilles archéologiques actuellement pratiquées par des chercheurs dans le delta du fleuve Rouge (Song Cáì) ont montré l’existence d’une culture vietnamienne préchinoise ayant déjà une certaine originalité, dans les cinq siècles précédant l’ère chrétienne. Pendant plus de dix siècles, de 111 avant J.-C. jusqu’en 939 après J.-C., le royaume de Âu-Lac, fondé par ces premiers Vietnamiens, est devenu une colonie chinoise. Ensuite, le Vietnam recouvre son indépendance en 1010. Il la perdra en 1884, année qui voit l’installation de la France en Indochine. L’influence chinoise décroît pour laisser la place à la culture française et occidentale qui apporte à la littérature vietnamienne un sang nouveau, jusqu’en 1954, année où le pays est divisé en deux États: la république démocratique du Vietnam, ou R.D.V.N. (dite Nord-Vietnam), et la république du Vietnam (dite Sud-Vietnam). Cette scission du pays en deux zones, totalement différentes du point de vue idéologique, influencera l’évolution de la littérature dans les deux camps.

Une histoire objective de la littérature vietnamienne devra donc nécessairement parler de ces deux facteurs (chinois et français) qui ont joué, chacun en son temps, un rôle capital dans son développement et son évolution. On distinguera la littérature la plus ancienne, orale, populaire, et la littérature écrite, de beaucoup la plus importante, et qui est la plus caractéristique de toutes les littératures extrême-orientales, n’ayant d’équivalent ni dans la littérature chinoise ni dans celle du Japon ou de la Corée.

Archéologie et art

Le Paléolithique

Plusieurs fossiles d’Homo erectus ont été découverts dans le nord du Vietnam, attestant du peuplement de la région à la fin du Pléistocène moyennes restes d’Homo sapiens ont également été trouvés dans le Hoang Liên Son, mais aucun outil associé à ces fossiles n’a été mis au jour.

Des industries de type acheuléen ont été découvertes au nord (sites des monts Dô et Quân Yên, Thanh Hoa) et au sud du pays (Dông Nai et région de Hô Chi Minh-Ville). Trouvées en dehors de tout contexte culturel, elles ne peuvent pas être datées de façon absolue. Les archéologues vietnamiens supposent qu’elles remontent au Pléistocène moyen (face=F0019 漣 500 000 ans).

L’industrie la plus ancienne qui ait été découverte dans un contexte précis (stratigraphie et association de restes de faune) est celle de Nguom, dont le site éponyme est situé dans le Bac Thai. Cette industrie, caractérisée par des outils sur éclats, présente de nombreux racloirs et pointes. La faune contient des espèces disparues et est caractéristique du Pléistocène. Le Nguomien semble dater de 35 000 à 23 000 B.P.

Le Sonvien, qui lui succède, est radicalement différent: les outils sont façonnés sur galets, et non plus sur éclats. Le galet est taillé de façon unidirectionnelle sur une seule face, en réservant le maximum de cortex sur les deux faces. Les outils les plus communs sont les choppers, taillés sur un galet entier ou sur un quart de galet, et les pics. Les sites se trouvent indifféremment en plein air ou dans des cavernes, et sont répartis dans le nord du pays. Cette industrie est datée de 23 000 à 13 000 B.P.

Le changement complet de typologie entre les outils du Nguomien et ceux du Sonvien semble correspondre au début du réchauffement atmosphérique de la fin du Pléistocène, qui a entraîné une modification du climat et un besoin d’outils mieux adaptés à un nouvel environnement.

Vers 18 000 B.P. apparaît une nouvelle industrie sur galet dans les grottes des régions calcaires septentrionales: le Hoabinhien. Il diffère du Sonvien par l’émergence de nouveaux outils caractéristiques: le sumatralithe (galet entièrement taillé sur une face et dont le cortex est conservé sur l’autre) et la hache courte. Dans les couches supérieures de certains sites hoabinhiens, on trouve en outre des haches au tranchant poli sur les deux faces. Les amas de coquilles abondent sur les sites; les populations hoabinhiennes étaient en effet de grandes consommatrices de mollusques. La tradition hoabinhienne se perpétue dans certaines régions jusqu’à 4 500 B.P.

Le Néolithique

Le Bacsonien, dont le site éponyme se trouve dans le Bac Thai, apparaît dès 9 000 B.P. et se prolonge jusque vers 4 500 B.P. Il est issu du Hoabinhien, et son extension géographique est sensiblement la même. Ses outils sur galet sont taillés, mais leur tranchant est poli. Une céramique grossière, qui reste toutefois très rare, fait son apparition.

Ce n’est qu’après le Bacsonien que se développe véritablement la production céramique. Elle est divisée au nord en deux traditions distinctes: celle de Quynh Van et celle de Da But. Cette dernière est issue du Bacsonien, et se situe sur le littoral du Thanh Hoa. On retrouve dans la phase la plus ancienne de cette culture, datée de 4000 avant J.-C. environ, les mêmes outils lithiques qu’au Bacsonien, accompagnés d’une céramique montée au battoir, à fond rond, avec des décors de cordelettes imprimées sur l’épaule des vases. Dans sa phase plus récente, vers 3000 avant J.-C., les haches en pierre sont plus petites, et souvent polies sur toute leur surface. La culture de Cai Beo (Haiphong) semble appartenir à la même tradition.

La culture de Quynh Van, située dans le Nghê Tinh, possède une céramique très particulière à fond pointu, montée au colombin et décorée au peigne, jusque-là inconnue au Vietnam et en Asie du Sud-Est. L’outillage lithique est différent de celui trouvé à Da But et à Cai Beo: il est composé de larges éclats travaillés sur les deux faces, sans trace de polissage. Cette absence de polissage à une époque tardive (de 3000 à 2000 av. J.-C.) fait supposer à certains archéologues que les outils lithiques étaient dégrossis sur ces sites avant d’être échangés, ou polis ailleurs. À la culture de Quynh Van succède celle de Bau Tro, qui est représentée dans le Nghê Tinh et le Binh Tri Thiên. La céramique et l’outillage lithique sont remplacés petit à petit par une poterie à fond rond, à décor de cordelettes, et par des haches et herminettes à épaulement polies. La présence de grandes houes suggère une société où l’agriculture tenait déjà une place importante.

Dans le sud, seule une culture néolithique tardive est véritablement connue, celle de Dông Nai, dont on retrouve les traces dans la province du même nom. Elle présente des céramiques au décor incisé et des herminettes à épaulement rectangulaire. Elle paraît être en relation avec certains sites du Cambodge et du nord-est de la Thaïlande.

L’Âge du bronze

De nombreux foyers culturels de l’Âge du bronze se développent entre la fin du IIIe millénaire et celle du IIe millénaire avant J.-C. Les sites ont été principalement retrouvés dans les bassins des grands fleuves et sur le littoral. Dans le nord, les foyers sont nombreux et comportent des traits culturels différents les uns des autres. La culture de Hoa Lôc (littoral du Thanh Hoa), datant de la fin du IIIe millénaire au début du IIe millénaire, présente une céramique intéressante, inconnue dans les autres cultures, au décor varié; certains vases ont un rebord quadrangulaire ou octogonal. Des petits objets de bronze ont été découverts sur les sites, mais le mobilier lithique (haches et herminettes) reste prédominant.

Dans la vallée du fleuve Rouge se développe à la même époque la culture de Phung Nguyen. La forme des céramiques y est variée, beaucoup d’entre elles comportent un pied élevé. Le décor est composé de lignes parallèles incisées entre lesquelles sont imprimés des pointillés. Les objets en bronze font leur apparition, mais, là encore, le mobilier lithique domine. La période du Bronze moyen est représentée par la culture de Dong Dâu (XIVe-XIIe s. av. J.-C.). La céramique reste similaire à celle de la phase précédente; seuls les décors se transforment en motifs curvilignes exécutés au peigne. La production d’objets en bronze augmente considérablement, et des moules utilisés pour leur façonnage ont été retrouvés sur certains sites. Le nombre d’herminettes rectangulaires en pierre polie reste tout de même important. Le Bronze final de cette même région est représenté par la culture de Go Mun, au début du Ier millénaire avant J.-C. Le mobilier en bronze y est abondant et ressemble à celui de l’Âge du fer, dans la culture de Dông Son. Les céramiques sont cuites à haute température, et certaines d’entre elles ont une forme carénée. Leur décor, géométrique, se compose de lignes, de petits cercles incisés et parfois de méandres en relief.

La vallée de la Ma (Thanh Hoa) connaît un développement culturel similaire, avec les phases de Côn Chân Tiên, Bai Man, puis Quy Chu. Dans la vallée de la Lam (Nghê Tinh), on ne connaît que la phase du Bronze ancien (Dên Dôi), qui semble entretenir des relations avec la culture de Phung Nguyen, et celle du Bronze récent (Ru Tran).

La connaissance des séquences culturelles de l’Âge du bronze dans la partie sud du Vietnam est encore lacunaire, et seuls quelques sites considérés comme appartenant au Bronze ancien ou au Bronze récent ont été retrouvés sur le littoral, entre Quang Nam-Da Nang et le Thuân Hai.

L’Âge du fer

Aux alentours du VIIIe siècle avant J.-C. se développent simultanément les cultures de Dông Son au nord et de Sa Huynh au sud. La première résulte en quelque sorte de la fusion des différentes cultures de l’Âge du bronze dans le nord du Vietnam. À cette époque, en effet, des formes spécifiques de bronzes se retrouvent dans les différentes régions du nord de façon à peu près uniforme, tandis que la céramique conserve ses caractéristiques régionales. Cuite à haute température, ses formes sont variées, mais son répertoire décoratif est beaucoup plus pauvre qu’auparavant, comme si toute l’attention se portait sur le décor des bronzes. Ceux-ci reprennent d’ailleurs les motifs de certaines céramiques des périodes antérieures. Les outils de fer sont forgés ou fondus. Les objets en bronze, d’une qualité exceptionnelle, comprennent surtout des haches pédiformes à tranchant asymétrique, des poignards à manche zoomorphe ou anthropomorphe, des situles tronconiques et des tambours. Les sites de la phase postérieure ont révélé aussi des objets de type chinois tels que des hallebardes ge , des épées longues ou des tripodes. Les tambours sont vraisemblablement le symbole le plus marquant de cette culture. Leur distribution n’est pas confinée au Vietnam: on en retrouve aussi dans les royaumes de Chine du Sud contemporains de Dông Son. Les liens culturels et commerciaux entre ces différentes régions semblent avoir été très importants. Les modes de sépulture des dongsoniens varient selon les sites: cercueils en forme de pirogue (Châu Can, Ha Son Binh), simples fosses sans cercueil (Lang Ca, ville de Viêt Tri), fosses recouvertes de blocs de pierre ou de tessons de céramique (Lang Vac, Nghê Tinh), etc. Les sépultures sont la plupart du temps accompagnées d’un riche mobilier funéraire (armes, outils, céramiques, tambours de bronze de taille normale ou miniatures, etc.). La culture de Dông Son persiste jusqu’à l’invasion chinoise, en 111 avant notre ère, qui porte un coup fatal à l’originalité de ses créations.

Dans le sud du Vietnam, les sites de la culture de Sa Huynh sont répartis du Binh Tri Thiên à la vallée du Dông Nai. On y retrouve des outils et des armes en fer, de la céramique dont le décor fait appel simultanément aux techniques de l’incision, de la peinture ou de l’impression, et des parures de pierre ou de verre dont les éléments les plus représentatifs sont des boucles d’oreilles bicéphales en néphrite que l’on retrouve aussi en Thaïlande, aux Philippines et à Taiwan. Les sites d’habitat qui ont été fouillés ont révélé les vestiges de maisons sur pilotis. L’inhumation en jarre est le mode de sépulture caractéristique de cette culture qui a certainement contribué à la naissance de la civilisation Cham, le royaume du Champa s’étant formé sur les bases de la culture de Sa Huynh, sous l’influence de la civilisation indienne.

L’occupation chinoise

La colonisation du Nord par les Chinois de 111 avant J.-C. à 939 après J.-C. impose aux Vietnamiens une esthétique toute différente qui met un terme à la vigueur des créations issues de la culture de Dông Son. Les sépultures pendant cette période sont construites en brique, comme il est d’usage alors en Chine du Sud; leur mobilier suit également le modèle chinois, et seule la céramique présente parfois une certaine originalité.

Architecture et sculpture

De l’époque qui suit l’indépendance (Xe-XIe s.), autour des capitales qui se sont succédé dans la banlieue et sur le site actuel de Hanoi, ont été retrouvés des éléments d’architecture: briques inscrites, dalles de revêtement ornées, tuiles et ornements de toiture. La découverte de la tour bouddhique de Binh-son (près de Viêt-tri), qui est plus tardive (XIIe s.), montre l’utilisation de ces décors en terre cuite. D’autres ornements, cette fois en grès, ont été trouvés au monastère Van Phuc de Phât-tich (Bac-ninh). Cet art bouddhique, influencé par la Chine et peut-être par les créations cham, se manifeste également dans les grottes décorées de fresques près de Thien-khe (Tuyên-quang).

Plusieurs monastères de l’époque Lý subsistent: celui de Quan-thanh (1010), la pagode Môt-côt (1049), pavillon de bois posé sur une colonne de pierre dressée au centre d’un étang, la pagode de Long-dôi-son (1121). L’autel de la pagode Thiên-phuc (Son-tây, 1132) marque la fin de cet art.

Il ne reste rien des palais des anciennes capitales vietnamiennes. Il faudrait fouiller dans la zone de Hanoi à Dai-la, à Hoa-lu, à Thang-long, explorer également la citadelle des Hô construite en 1397 (Thanh-hoa). Quelques vestiges subsistent de l’ensemble funéraire édifié au début du XVe siècle par Lê Loi près du village de Lam-son. Deux motifs décoratifs vont désormais primer: la volute à arêtes et la flamme, par exemple au monastère de But-thap (1646-1647). Quelques belles sculptures de cette époque ont survécu, comme la statue du moine Minh-hanh (vers 1660), portrait dépouillé, d’une concentration admirable. Mais, dans l’ensemble, les influences chinoises, de plus en plus marquées, vont stériliser toute création dans le domaine de l’architecture officielle (palais et sépultures des Nguy&êtilde;n à Huê). C’est dans les villages, surtout au Tonkin, que se réfugie le véritable art de construire vietnamien. Les maisons communales, les dinh , où se réunissent les notables, où se concentre toute la vie religieuse (autour du génie tutélaire) et sociale de la communauté, perpétuent les antiques traditions locales; longues structures en bois sur pilotis, autour d’une cour et en général à l’extérieur du village. Les plus remarquables de ces dinh sont peut être ceux de Dinh-bang (Bac-ninh) et de Dac-so (Ha-dông).

La céramique

En l’absence de fouilles, la céramique n’est guère mieux connue que les autres arts vietnamiens. Là encore l’influence chinoise est présente, à tel point qu’il est souvent difficile, étant donné nos maigres connaissances des fours de la Chine du Sud, d’attribuer une provenance exacte à certaines pièces: Chine du Sud ou Nord-Vietnam.

Entre le XIe et le XIIIe siècle, on fabrique dans certains fours du nord du pays des urnes aux formes robustes, décorées de superbes motifs bruns dont les contours sont incisés sous une couverture beige. Contemporains, les céladons du Thanh-hoa ornés de dessins floraux restent proches de certaines pièces provenant de la Chine du Sud.

À l’imitation de la Chine, le Vietnam, entre le XIVe et le XVIIe siècle, produit de nombreux grès porcelaineux à décor peint en bleu sous la couverte. Ici la base est souvent revêtue d’un engobe brun chocolat appliqué en spirale au tour et au pinceau. Les pieds sont hauts, les décors végétaux sont divisés en registres horizontaux comme ce sera le cas également à Bat-trang. La couverte apparaît en général mate et d’un blanc chaud sur le corps porcelaineux assez fin. Le bleu varie du délavé au bleu noir.

Des fours de Thô-ha (Bac-ninh) sortent aux XVIe-XVIIe siècles des céramiques de culte en terre cuite non vernissée, aux formes originales mais aux décors empruntés à la Chine. Des pièces assez semblables, cette fois en grès à couverte blanche, sont fabriquées à Bat-trang.

Forme typiquement vietnamienne, les pots à chaux servent à conserver humide la chaux qui accompagne la noix d’arec et la feuille de bétel. Sphériques, ces pots sont complètement fermés à l’exception d’un orifice circulaire sur le dessus de l’objet qui porte une anse ronde. Les fours de Bat-trang (à dix kilomètres de Hanoi) fournissaient une partie de la demande, que complétaient des commandes faites en Chine.

Art décoratif et artisanat populaire

Il conviendrait de distinguer les ateliers travaillant pour les classes possédantes sinisées et l’artisanat domestique destiné aux besoins locaux.

Thèmes et techniques des ateliers sont d’inspiration chinoise. Le delta du fleuve Rouge, les régions du Thanh-hoa, de Nghe-an et de Ha-tinh constituent les principaux centres: fondeurs de cuivre, orfèvres, nielleurs (Bac-ninh), brodeurs (Hanoi et Bac-ninh), sculpteurs de meubles, incrustateurs (Hanoi et Nam-dinh), laqueurs (Hanoi et Bac-ninh).

L’ouvrier d’art vietnamien travaillait dans des ateliers, à l’origine familiaux. Le groupement en villages autour d’un saint patron a contribué certainement à uniformiser les techniques et à perpétuer les modèles. Mais la cour n’a suscité aucune émulation, se bornant à réquisitionner les meilleurs artisans pour travailler exclusivement dans les ateliers royaux.

Seuls échappent à l’emprise parfois stérilisante de la culture chinoise les jouets, les objets votifs, les ustensiles quotidiens, les tissages paysans.

Des estampes populaires, les exemples qui subsistent ne remontent guère au-delà de la fin du XIXe siècle. Ces estampes sont essentiellement fabriquées à l’occasion du Têt, le nouvel an vietnamien, pour être collées sur les portes et dans les maisons. Imprimées à partir de planches de bois sculptées sur un papier de qualité variable, elles abordent avec une naïveté très colorée le domaine religieux, l’expression des vœux, les légendes et les romans, la satire de la société coloniale, la morale en images, les travaux quotidiens. Art conçu dans l’éphémère, condamné à disparaître avec la fête, mais qui exprime de façon très directe l’univers familier, le folklore, les aspirations profondes du peuple vietnamien.

Littérature

La littérature orale

On relève au Vietnam l’existence d’une littérature populaire de transmission orale, qui peut être considérée comme une littérature purement vietnamienne, préchinoise. Elle ne cesse d’ailleurs de se développer malgré l’emprise économique et culturelle de la Chine durant les dix siècles de domination directe et les dix autres siècles d’indépendance nationale. Elle comporte trois grands chapitres: les proverbes et les dictons, les contes folkloriques et enfin les chansons populaires.

Les proverbes et les dictons

Comme l’a remarqué M. Durand, la littérature du Vietnam comporte plusieurs genres de dictons. Ce sont soit des dictons proprement dits (t ロc ngu ), soit des adages, ou ng ペn gnu’ , soit encore des dictons particuliers à un métier ou à une région, les phu’o’ng ngôn . Ces dictons peuvent encore se présenter comme des aphorismes (cách ngôn ) ou des préceptes (châm ngôn ). Ils sont essentiellement l’œuvre du peuple et les auteurs ne sont jamais connus. Ils ont souvent leur origine dans la vie courante et peuvent être des observations pratiques transmises de siècle en siècle et protégées dans la masse. On distingue, parmi ces proverbes et dictons, plusieurs catégories, suivant la longueur des termes ainsi que la place des rimes. Comme la langue vietnamienne est monosyllabique et chantante – comportant six tons –, la plupart des dictons sont rimés pour être retenus plus facilement, et les gens du peuple, comme d’ailleurs les lettrés des classes aristocratiques et mandarinales, aiment émailler leur conversation courante de dictons qui sont reconnus par tout le monde comme des symboles de sagesse ou des règles de bonne conduite. Mais il existe aussi des dictons sans rimes, souvent sous la forme d’un parallélisme, ainsi: «Quand on est rassasié, on est doux comme des Bouddhas; mais si on a faim, on se conduira comme des diables»; cette recherche du parallélisme et du dualisme est très importante et très commune en littérature populaire comme en littérature savante, aussi bien en Chine qu’au Vietnam. On trouve aussi des proverbes sans rimes et sans parallélisme; ce sont alors le plus souvent des phrases habilement rédigées.

Les contes folkloriques

Le domaine du folklore vietnamien est immense et les contes folkloriques sont très variés. Leurs origines sont d’ailleurs multiples, du fait que le Vietnam, bloc national, ne renferme pas moins de soixante nationalités. C’est pourquoi ils peuvent provenir, tout d’abord, des divers faits de l’histoire vietnamienne remontant à l’époque préhistorique et préchinoise, ou ils peuvent être la version vietnamienne de contes chinois recueillis par la suite dans des légendaires vietnamiens compilés dès le XIVe siècle, comme le Vi ヱt –Di ヱn U linh t ヰp ou le L 不nh Nam chích quái . Ils peuvent aussi s’inspirer des jatakas de la littérature bouddhique, ou des contes cham décalqués. Il est à noter que tous les thèmes du folklore international s’y retrouvent, l’histoire de Cendrillon par exemple. L’étude du folklore vietnamien, si riche et encore si peu connu, outre le plaisir que procure sa lecture, peut enrichir le trésor commun du folklore de l’humanité. D’ailleurs le conte est un instrument très bien adapté à l’expression des idées et des sentiments, et il n’est pas soumis à des règles fixes, contrairement aux proverbes et aux chansons. Il existe même une certaine portion de contes osés, grivois, voire érotiques, qui font partie d’une tradition anticonformiste chère aux Vietnamiens de tout temps. Soumis pendant près de vingt siècles à l’influence contraignante du confucianisme chinois, le Vietnamien a su employer l’arme des faibles pour se moquer du joug de l’impérialisme chinois ou de la monarchie absolue des rois vietnamiens. Grâce à ces contes grivois et satiriques, le peuple vietnamien semble vouloir étaler en plein jour ses désirs, ses aspirations à plus de liberté, et dans ces contes fourmillent des critiques mordantes contre le roi, des attaques caustiques contre les mandarins prévaricateurs, les lettrés serviles et les médecins charlatans...

Les chansons populaires

S’il est vrai que, comme l’a dit Chateaubriand, «les hommes chantent d’abord, ils écrivent ensuite», cette assertion peut être confirmée au Vietnam, où, de tout temps, l’homme du peuple aime la chanson, qui paraît être la marque la plus ancienne et la plus manifeste du génie littéraire. Dans le Vietnam des anciens temps où la liberté d’écrire n’existait pas, le chant a donc tenu une place prépondérante, car il est la seule arme laissée aux faibles contre un pouvoir despotique. Les chansons vietnamiennes paraissent se rattacher au genre des cantilènes, courtes, vives et rapides, composées de manière à se fixer aisément dans la mémoire des plus simples, et pouvoir par là se répandre dans le peuple (G. Cordier). Ces chansons sont très nombreuses: les berceuses, les chansons pour enfants, celles des corps de métiers, les chansons morales, instructives, sociales, et surtout les chansons d’amour qui occupent une place prépondérante. À cette catégorie se rattachent les Hát Tr&ôacute;ng Quân (avec accompagnement du tambour) et les Hát Nói (interprétées par des chanteuses et accompagnées de claquettes), spécifiques au Vietnam. Avant l’installation française, la corporation des chanteuses était très importante. Douées pour chanter, déclamer des vers, improviser quelquefois, et dotées d’une certaine facilité de repartie, celles-ci se produisaient lors de certaines fêtes religieuses et surtout après des repas de cérémonie, dans des dîners où elles jouaient le rôle d’«hôtesses». Leur répertoire est formé de chants de langue populaire composées en vers hexamétriques et octamétriques (L ロc Bát ), ou encore de petites poésies sur des rythmes divers et pouvant s’appliquer aux différentes circonstances. Les auteurs de ces chants sont souvent inconnus, ou bien ce sont des poètes et des lettrés versés à la fois dans la littérature chinoise et la littérature vietnamienne.

La littérature écrite

Littérature chinoise

La littérature écrite occupe une place prépondérante dans l’histoire de la littérature vietnamienne. Il semble que les Vietnamiens d’avant l’ère chrétienne aient utilisé un système d’écriture propre, que l’écriture chinoise importée par les colons et les militaires chinois dès le Ier siècle avant J.-C. aurait supplanté. Au cours des dix siècles de domination chinoise, le Vietnam est devenu un pays plus structuré du point de vue politique. Les systèmes religieux et philosophiques chinois (confucianisme, taoïsme, bouddhisme chinois, par exemple) ont modifié le comportement des Vietnamiens ainsi que leur esprit. L’enseignement se fait en chinois, et il se constitue une classe de lettrés vietnamiens dirigeants qui connaissent bien la littérature et la philosophie chinoises. Cet enseignement se répand dans tout le pays et les Vietnamiens comprennent parfaitement le chinois tout en le lisant à leur manière. Cette prononciation à la vietnamienne des caractères chinois est peut-être la prononciation chinoise apprise à l’époque des Han ou des Tang et qui s’est conservée et modifiée par la suite sous les dynasties vietnamiennes indépendantes. Les Vietnamiens se sont transmis cette ancienne prononciation chinoise qui a ensuite évolué selon les tendances propres à la phonation vietnamienne, tandis qu’en Chine la prononciation chinoise se transformait aussi selon d’autres lois propres à la linguistique chinoise. M. Durand a justement rappelé ce phénomène comparable, «toute proportion gardée, à celui du français canadien». L’instruction en chinois eut donc des conséquences incalculables sur l’évolution de la civilisation et de la littérature vietnamiennes. Les rois vietnamiens organisaient des concours triennaux pour recruter les fonctionnaires et les mandarins. Les programmes d’études étaient, à peu de choses près, les mêmes qu’en Chine.

Toute la littérature vietnamienne, depuis ses débuts jusqu’à la fin du XIXe siècle, porte fortement l’empreinte chinoise, et la plupart des manuscrits ou des livres xylographiés (selon certains documents, un moine bouddhiste vietnamien, du nom de Tín H ョc, mort en 1190, avait un père imprimeur), c’est-à-dire toute la littérature savante du Vietnam, sont écrits en chinois. Le chinois a presque le même rôle que le latin dans l’Europe médiévale. Le bouddhisme, qui a été introduit au Vietnam dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, connaît sous la dynastie des Lý (1010-1214) et des Trân (1225-1400) un très grand essor. Les bonzes bouddhistes, étrangers et vietnamiens, sont vénérés par les rois et la classe intellectuelle. La philosophie bouddhiste mélangée au taoïsme chinois donna naissance au Vietnam à une nouvelle éthique et à un nouveau mode de pensée fondé sur la douceur et sur la croyance que les actes vertueux contribuent au salut éternel ou, du moins, à l’amélioration des vies ultérieures. Les rois des deux dynasties Lý et Trân aimaient se retirer dans une pagode pour finir leur vie dans la méditation. En même temps, ils avaient aussi le désir d’améliorer la qualité de la vie du peuple. Cette synthèse du taoïsme chinois avec le bouddhisme sino-hindou s’est concrétisée au Vietnam sous la forme d’une entente parfaite entre le peuple et les autorités royales, et aussi par la formidable éclosion d’une littérature religieuse et philosophique qu’on ne retrouve plus après le XVe siècle. Les moines bouddhistes, qui sont d’ailleurs les plus cultivés du XIe au XIVe siècle, ont laissé de nombreuses poésies (écrites en chinois) sur les principaux thèmes de la pensée bouddhique: non-permanence du monde terrestre, vanité de la vie humaine, mérite des actes vertueux, joie dans la solitude, et ainsi de suite. De nombreux documents de cette période n’ont pas encore été retrouvés, mais à travers les appréciations de l’encyclopédiste Lê Qúý –Dôn, dans son livre Ki&êacute;n v an tiê’u l ロc (Petit Recueil de choses apprises ), on peut considérer cette période comme l’une des plus fécondes de la littérature écrite en chinois. Celle-ci, d’ailleurs, se développa de plus en plus au long des siècles, et l’on constate au cours des XVe, XVIIe et XVIIIe siècles une floraison d’œuvres en chinois qui concernent toutes les branches de la littérature, autant la poésie que les annales officielles, la médecine. Même dans le cas du théâtre vietnamien dont il sera question au chapitre de la littérature nôm, l’influence chinoise est très nette, et les auteurs vietnamiens ont composé des œuvres théâtrales dans lesquelles la langue populaire se mélange intimement avec la langue chinoise, prononcée toujours à la vietnamienne, c’est-à-dire incompréhensible aux Chinois.

Certaines œuvres chinoises des écrivains vietnamiens ont été reconnues comme ayant une très grande valeur par les Chinois eux-mêmes: ainsi le livre sur l’histoire et la géographie du Vietnam An Nam Chí Lu’ ョ’c de Lê Ta c, au XIVe siècle, et le recueil de contes et récits concernant le Vietnam du XIIIe siècle et rédigé par Lê Trù’ng, le Nam Ông M ヲng L ロc .

Cependant, malgré la forte pression chinoise, les anciennes croyances et superstitions du peuple vietnamien n’ont jamais été détruites ou supplantées. Au contraire, une bonne partie de la littérature vietnamienne est consacrée aux histoires des génies, des «puissances invisibles du pays de Viêt»; habilement exploitées par les historiens et les ethnologues actuels.

Une autre influence heureuse du chinois sur la culture du Vietnam fut la création de la littérature nôm .

Littérature nôm

En dehors des textes purement chinois de la littérature vietnamienne, il existe des œuvres en langue nationale, rédigées en nôm. Ce mot, purement vietnamien, veut dire: «populaire», «démotique», «vulgaire». La littérature nôm est donc une littérature transcrite à l’aide de caractères chinois. Les caractères nôm sont formés à l’aide de caractères chinois, soit utilisés seuls mais prononcés d’une façon particulière et présentant un sens différent, soit en combinés (généralement deux caractères accolés). Dans ces combinaisons, l’un donne le son (M. Durand l’appelle le «phonétique»), l’autre le sens (le «sémantique»). Selon l’écrivain Lê Du’, l’emploi des caractères nôm pourrait remonter jusqu’au IIe siècle après J.-C., sous l’administration chinoise de S 不 Nhi&êacute;p qui a vulgarisé l’enseignement des classiques chinois. Les caractères nôm, qui représentent les sons purement vietnamiens de la langue populaire, permettent souvent de préciser le sens des mots qui, sans l’apport de l’élément sémantique, resteraient imprécis. En outre, il faut souligner qu’un texte nôm présente, dans de nombreux cas, une part de mots purement chinois mêlés aux mots nôm proprement dits. Si bien que, pour comprendre un texte nôm, il faut avoir une parfaite connaissance de la langue vietnamienne parlée et de la prononciation vietnamienne des caractères chinois ainsi que de la littérature chinoise ancienne.

L’étude du nôm présente, en plus de l’intérêt littéraire et philologique, un intérêt linguistique qui touche à la sémantique vietnamienne et à la phonétique comparée des langues du Sud-Est asiatique par rapport à la langue chinoise. La littérature écrite en nôm, dont on commence à retrouver certains documents remontant au XIIe siècle, est essentiellement composée d’œuvres poétiques, de romans en vers longs. Ces vers se présentent sous la forme de vers à six pieds alternant et rimant avec des octosyllabes, la langue vietnamienne étant une langue monosyllabique comportant six tons. On peut citer comme exemple le roman en vers le plus long de la littérature vietnamienne, le Kim Vân Kiêu , comprenant 3 254 vers hexamétriques et octométriques. Il existe sept à huit traductions françaises de ce roman, sans compter les traductions en langues allemande, anglaise, russe et chinoise. Grâce à la littérature écrite en nôm, on possède d’importantes œuvres poétiques laissées par de grands poètes et littérateurs. Du XIIe au XIVe siècle, cette littérature fournit des thèmes littéraires qui persistent encore jusque dans la littérature actuelle, tels que l’héroïsme des Vietnamiens dans leur lutte contre les envahisseurs mongols au XIIIe siècle, le courage indomptable du grand général Trân Hu’ng –D ペo, l’indéfinissable mélancolie des Cham devant la destruction de leur pays, la sympathie des Vietnamiens devant les malheurs de leurs ennemis vaincus. Les œuvres poétiques les plus connues datent du XVe siècle; c’est le cas, par exemple, du Recueil de poésies en langue nationale de Nguy&êtilde;n Trãi, intitulé Qu&ôacute;c âm thi t ヰp . Nguy&êtilde;n Trãi (1380-1442) est l’une des figures les plus connues et les plus aimées du peuple vietnamien. Grand homme d’État, fameux stratège et poète, il a aidé le roi fondateur de la dynastie des Lê (1482-1789) à reconquérir l’indépendance du Vietnam occupé par les Chinois des Ming de 1400 à 1428. Grâce à ce recueil de poésies, on est au courant de l’état de la langue vietnamienne dans cette première moitié du XVe siècle et des thèmes d’inspiration du poète (amour de la nature, de la frugalité, joie de se retrouver parmi le peuple, culte des vertus de l’honnête homme confucéen, dédain des honneurs). Ce XVe siècle a produit également, sous le règne de Lê Thánh Tông (qui dura de 1460 à 1497), le Hông –Dú’c Quôc âm thi t ヰp (Recueil de poésies de l’ère de Hông –Dú’c ), un des ensembles les plus anciens de la poésie vietnamienne transcrite en nôm. Il est l’œuvre commune de ce grand roi et d’un cénacle de lettrés éminents qui échangeaient des poésies composées et développées à partir d’un thème donné. Ce recueil, qui comprend plus de trois cents poésies, offre réunis la plupart des sujets favoris des poètes vietnamiens jusqu’à la fin du XIXe siècle: les saisons, la lune, les fleurs, la nature, les pagodes et les temples célèbres, la paix, la haute conception des devoirs du souverain et des mandarins. Telle qu’elle apparaît dans ces poésies du XVe siècle, la langue vietnamienne est encore très lourde, gauche, gênée dans l’expression et nettement marquée par l’influence chinoise. Il n’empêche que ces deux recueils ont le grand mérite de montrer les premiers pas de la poésie purement vietnamienne et de constituer un document de première main sur la vie de cour, sous le règne d’un roi amateur de belles-lettres, et poète lui-même.

Durant les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, la littérature nôm fait d’énormes progrès et le peuple vietnamien lui-même y a puissamment contribué. En effet, la lutte entre les différentes factions politiques obligea leurs dirigeants à tenter de s’assurer l’appui du peuple qui, lui, ne comprenait pas toujours la littérature savante écrite en chinois. Pour atteindre les gens du royaume, les autorités devaient employer l’écriture nôm représentant la langue nationale, la langue du peuple. Piqués au jeu, les lettrés et les poètes, en dehors de leurs écrits administratifs, trouvèrent plaisir à composer en nôm des pièces littéraires en vers ou en prose, qui étaient goûtées par la masse de leurs compatriotes. C’est ainsi que, peu à peu, la langue vietnamienne est devenue un instrument de composition artistique de plus en plus apte à exprimer toutes les nuances du sentiment et de la pensée. Les œuvres de valeur en nôm sont nombreuses au cours de ces trois siècles et se divisent soit en des poèmes longs et sentimentaux, soit en des romans en vers. Le goût populaire a retenu une dizaine de ces romans en vers longs dont les images poétiques et surtout la musique variée du vers vietnamien (en six-huit, ou en sept-sept-six-huit) ont le don d’émouvoir intensément l’auditeur. Parmi les ouvrages les plus célèbres, le Chinh ph ロ ngâm (Complainte de l’épouse du guerrier ) de la poétesse –Doàn Th メ –Diê’m, le Cung Oán ngâm khúc (Complaintes d’une femme du harem ) de Nguy&êtilde;n Gia Thiêu, le Hoa Tiên (La Lettre fleurie ) de Nguy&êtilde;n Huy Tu’, sans oublier le fameux Kim Vân Kiêu, de réputation internationale. Dans la période de transition entre le XVIIIe et le XIXe siècle, on trouve les deux poétesses principales de la littérature populaire: Hô Xuân Hu’o’ng, la plus appréciée par «la vérité humaine de ses confessions, et un côté espiègle et même licencieux de nombre de ses poésies» (M. Durand), et la femme d’un préfet de la région de Thanh-quan, Nguy&êtilde;n Th メ Hinh, dont les poèmes, de facture très élégante, ont fait les délices d’un grand nombre de lettrés et d’amoureux de la poésie populaire.

Le théâtre vietnamien occupe aussi une belle place dans la littérature nôm. La scène vietnamienne comprend deux variétés de théâtre. D’abord, le théâtre classique, nommé Hát tuông , qui aurait débuté en 1182 par la représentation de personnages réels de la cour royale; il a pour thèmes des faits historiques de la Chine antique et du Vietnam. Ce genre de théâtre obéit à des règles conventionnelles qui régissent le jeu et les gestes des acteurs. Son répertoire comprend aussi des pièces d’une inspiration populaire certaine.

Mais c’est surtout le Hát chèo , ou théâtre populaire, qui est le plus ancien et le plus aimé de la masse. Il a comme origine des pastiches accompagnés de chants et de danses folkloriques. Il s’inspirait de la vie courante et servait d’arme à des auteurs, souvent inconnus, pour critiquer et même attaquer la royauté ou les exactions des mandarins. Bien qu’il soit nommé «populaire», ce théâtre est un mélange de parler populaire et de littérature savante, souvent émaillée d’allusions littéraires provenant des folklores chinois et vietnamien. On possède actuellement nombre de pièces du théâtre populaire et du théâtre classique transcrites en nôm. Malgré les péripéties de l’histoire, le théâtre populaire a conservé une vitalité incroyable. On peut le considérer aussi comme l’une des manifestations du courant anticonformiste et antigouvernemental cher à l’âme vietnamienne.

La littérature nôm présente cependant un inconvénient. Pour lire ou écrire le nôm, il faut connaître les caractères chinois; de plus, la représentation des sons vietnamiens par l’écriture nôm varie suivant les régions, et il n’y avait pas une véritable codification officielle de caractères nôm. Ce handicap ne facilite pas la diffusion des œuvres littéraires. Comme l’influence chinoise décrut au Vietnam dès la fin du XIXe siècle avec les débuts de la colonisation française, la littérature nôm devait forcément disparaître avec le déclin de cette influence. Heureusement, l’établissement de la France au Vietnam a donné un nouvel essor à la littérature vietnamienne, en remplaçant l’écriture nôm par l’écriture latine. La langue vietnamienne s’adapte bien à la transcription latine, en tout cas beaucoup mieux que la langue chinoise et même que la langue japonaise.

La littérature en «qu&ôacute;c ngu’»

Les origines de la transcription de la langue vietnamienne par l’alphabet romain, la «romanisation», sont liées à l’histoire des missions catholiques dans le Sud-Est asiatique. Pour prêcher, les missionnaires qui étaient de nationalités diverses avaient noté les sons qu’ils entendaient à l’aide de l’alphabet romain, et ce sont les quatre langues d’origine de ces missionnaires (portugais, italiens, espagnols et français) qui avaient influencé le choix des transcriptions. Les prêtres catholiques avaient traduit tout d’abord le catéchisme et les vies des saints en s’aidant de la transcription en alphabet romain. Cette transcription en qu&ôacute;c ngu’ n’est pour ainsi dire pas sortie des milieux catholiques du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle. Le père Alexandre de Rhodes, jésuite français, est considéré comme le diffuseur de ce système romanisé, qui a servi à rédiger des ouvrages encore parfaitement lisibles aujourd’hui. À la fin du XIXe siècle, le gouvernement colonial français, pour détruire l’influence chinoise et asseoir la suprématie de la civilisation occidentale, adopta l’écriture qu&ôacute;c ngu’ pour tous les textes officiels et administratifs imprimés en vietnamien. De leur côté, les Vietnamiens, trouvant cette transcription fort pratique et utile, l’ont tout de suite reprise. Cette dernière ayant été unifiée et étant partout la même du nord au sud, la traduction des œuvres culturelles françaises et occidentales en vietnamien et leur diffusion ont été grandement facilitées. Grâce à l’écriture romaine, un enfant vietnamien peut apprendre à lire sa langue dans l’espace de un à deux mois. L’emploi de cette transcription a beaucoup aidé à la propagande des idéologies occidentales. Ainsi, l’influence française a été prépondérante au Vietnam, dès la fin du XIXe siècle, et jusqu’aux environs de 1954. Elle a fait l’effet d’un sérum de jeunesse sur un corps frappé de sénilité. Grâce à l’écriture latine, on observe une renaissance de la littérature vietnamienne sous tous ses aspects, sans compter qu’elle a donné naissance au journalisme vietnamien et au nouveau théâtre parlé.

Sous la monarchie, il n’y avait pas de journaux. Leur apparition fut donc considérée par les Vietnamiens comme un heureux événement, bien que ces feuilles, imprimées tout au début de la colonisation, ne comportent que des nouvelles administratives. En 1865 parut à Saigon le premier journal vietnamien. Mais c’est à partir de la Première Guerre mondiale que le journalisme vietnamien connaît un prodigieux essor: parmi les revues et les publications les plus répandues, on peut citer le –Dông Du’o’ng t ペp chi , le Nam Phong , le Phong Hoá , le Ngày Nay . Bien qu’il existât un régime de censure, l’éventail des journaux était assez large, et tous portaient la marque de l’influence journalistique française. Tru’o’ng V 不nh Ký, Nguy&êtilde;n Van V 不nh, Ph ペm Q ynh figurent parmi les journalistes les plus appréciés d’avant 1940. Mais c’est dans le domaine du roman et de la poésie que l’influence française s’est révélée la plus forte et la plus heureuse. Autrefois, le roman vietnamien se composait de longs poèmes d’influence chinoise et à tendance moraliste (fidélité au roi, au mari, respect du maître, patriotisme, amour de la vertu, et ainsi de suite). Sous l’influence des littérateurs français dont les œuvres ont été traduites en vietnamien, comme Balzac, Alexandre Dumas, Victor Hugo, le roman vietnamien a changé de visage. Aussi le public vietnamien accueillit-il avec enthousiasme les deux premiers romans vietnamiens conçus et écrits par deux jeunes auteurs, Hoàng Ng ョc Phách et Nguy&êtilde;n Tr ョng Thu ヰt, en 1925. L’influence de La Dame aux camélias est très nette dans le roman T&ôacute; Tâm .

L’année 1935 peut être considérée comme une année faste pour la culture française au Vietnam. Le conservatisme confucéen a reculé, et les jeunes Vietnamiens réclament l’abolition du féodalisme mandarinal, l’adoption de l’idéologie républicaine et démocratique, la liberté de la pensée et de la presse. Un groupe littéraire, le T ロ’ L ロ’c V face="EU Caron" オn –Doàn, porte-drapeau de cette nouvelle couche sociale, a su promouvoir un style original, clair et concis, débarrassé de termes chinois sophistiqués et d’allusions littéraires compliquées. Cette fameuse équipe insuffla un courant nouveau et puissant dans tous les domaines de la vie vietnamienne. Un des poètes du groupe, Th&êacute; Lu’, a été le créateur du mouvement Tho’ Mó’i (Nouvelle Poésie). Son recueil de poèmes reçut un accueil des plus chaleureux. Cette poésie se remarque par l’emploi d’une langue claire et populaire, d’une métrique plus variée et plus libre, laissant au poète une totale liberté de s’épancher. L’influence des poètes français comme Verlaine, Rimbaud est très nette. Dans le domaine du théâtre, de jeunes auteurs comme Huyên –Da c, Doàn Phú Tú’ représentaient une tendance qui voulait se libérer des entraves du passé pour imiter le théâtre français, plus naturel et plus vivant.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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